La Commission européenne a accédé mercredi à la demande de la France, préoccupée par l'arrivée de migrants tunisiens via l'Italie depuis plusieurs semaines : elle a proposé une plus grande latitude pour rétablir les contrôles aux frontières nationales dans l'espace Schengen. Ce rétablissement pourra être autorisé en cas de "défaillance" d'un Etat dont les confins sont les frontières extérieures de l'Union européenne, selon la commissaire européenne chargée des questions d'immigration. Les contrôles aux frontières nationales pourront également être rétablis lorsqu'une partie de la frontière extérieure de l'Union européenne est soumise à une pression migratoire extraordinaire, a ajouté Cecilia Malmström.
La commissaire a insisté sur le caractère temporaire de cette mesure, qui ne pourrait être autorisée que dans des circonstances "exceptionnelles" et en fonction de conditions "strictes". "Schengen est une très belle réalisation pour la mobilité des citoyens de l'Union européenne," a-t-elle estimé, "c'est quelque chose qu'il faut absolument défendre mais Schengen peut avoir certaines faiblesses car Schengen s'est basé sur la confiance" entre les pays membres, qui aujourd'hui fait défaut. Elle a aussi insisté sur le danger de créer "une Europe forteresse" à l'égard des immigrants, estimant que les immigrés avaient dans l'histoire largement contribué au développement du continent et devaient continuer à le faire.
Les deux cas de figure envisagés par la Commission sont directement inspirés par la défaillance de la Grèce dans le contrôle d'une partie de sa frontière avec la Turquie et par la décision des autorités italiennes de régulariser quelque 25.000 migrants tunisiens arrivés sur son territoire, suite à la révolution dans le pays, avec la volonté affichée de se rendre en France.
Actuellement, le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen est déjà possible mais seulement en cas de "menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure". Concrètement, il a été utilisé surtout à l'occasion de rencontres sportives très importantes ou de sommets politiques de chefs d'Etat dans certains pays. Les propositions de Mme Malmström seront discutées lors d'une réunion extraordinaire des ministres européens de l'Intérieur le 12 mai à Bruxelles avant d'être parachevées en juin à l'occasion d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE.
La France se félicite de "l'effort engagé par la Commission"
"Nous nous félicitons de l'effort ainsi engagé par la Commission pour proposer sans délai des réponses aux pressions qui s'exercent aux frontières extérieures communes de l'Union européenne", a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero. "Sur plusieurs points, elle répond aux préoccupations de la France et aux propositions avancées par le président de la République et Silvio Berlusconi le 26 avril dernier à Rome", a-t-il ajouté.
L'espace Schengen compte 25 Etats membres, dont trois pays non membres de l'UE (Norvège, Suisse, Islande, et bientôt Liechtenstein). Il permet à plus de 400 millions de citoyens de circuler librement de la Finlande à la Grèce, du Portugal à la frontière polonaise, sans devoir montrer leur passeport. L'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, initialement prévue en mars dernier, est toujours en suspens, en raisons de l'opposition de plusieurs pays.