samedi 26 février 2011

Plus de 100 000 Tunisiens, selon la police, ont réclamé vendredi le départ du gouvernement de transition dirigé par Mohammed Ghannouchi,

Alors qu'en Libye la contestation au régime de Khadafi s'étend désormais de l'ouest de Tripoli à Benghazi (suivre les évènements en direct), les Tunisiens et les Egyptiens continuent vendredi de battre le pavé pour défendre "leurs révolutions". Au Yémen, au Bahreïn mais également en Irak, les manifestations ne faiblissent pas.

* TUNISIE : Une marée humaine contre Ghannouchi

Plus de 100 000 Tunisiens, selon la police, ont réclamé vendredi le départ du gouvernement de transition dirigé par Mohammed Ghannouchi, devant la Kasbah, épicentre de la contestation, où de nouveaux cortèges de manifestants affluaient encore en début d'après-midi. Selon des membres du Croissant-Rouge et des manifestants, il "s'agit de la plus grande manifestation depuis la chute de Ben Ali", le 14 janvier. Les manifestants sont venus affirmer que "leur révolution" qui a chassé du pouvoir le régime de Ben Ali "ne sera pas usurpée", avec des slogans tels que "Ghannouchi dégage", "Honte à ce gouvernement", ou encore "Révolution jusqu'à la victoire". En fin de journée, les forces de l'ordre ont procédé à plusieurs tirs de sommation à Tunis pour disperser les manifestants.

Des milliers de manifestants se sont retrouvés à Tunis devant l'immeuble du Premier ministre.

Des milliers de manifestants se sont retrouvés à Tunis devant l'immeuble du Premier ministre.AP/Salah Habibi

Sous la pression populaire, qui dénonçait le maintien à des postes clés de caciques de l'ancien régime, M. Ghannouchi avait déjà remanié, le 27 janvier, un gouvernement formé dix jours plus tôt. Depuis, des élections libres ont été annoncées, avec une échéance fixée à six mois : vendredi le gouvernement transitoire a annoncé la tenue d'"élections au plus tard mi-juillet", sans préciser s'il s'agirait d'un scrutin présidentiel ou législatif.

Dans la soirées, des journalistes de l'AFP ont fait état de poursuites entre des soldats, des policiers et des manifestants dans le centre de Tunis, alors que de fortes détonations pouvaient être entendues. Après des tirs d'armes automatiques précédés de tirs de sommation, les forces de l'ordre ont commencé à quadriller l'avenue Habib Bourguiba, et se sont lancés dans une course poursuite de manifestants dans les rues adjacentes.

Des manifestants avaient volé auparavant des parasols et des chaises des cafés dans l'avenue Habib Bourguiba, où est située le ministère de l'Intérieur avant d'y mettre le feu en trois endroits le long de l'avenue Bourguiba. Ils cassaient également des pots de fleurs pour en faire des projectiles pour les jeter en direction du ministère de l'Intérieur.

Un homme lève le poing lors d'un rassemblement pour la démocratie, le 25 février au Caire.

Un homme lève le poing lors d'un rassemblement pour la démocratie, le 25 février au Caire.REUTERS/PETER ANDREWS

* EGYPTE : La place Tahrir du Caire vibre encore

Des milliers d'Egyptiens se sont rassemblés sur la place Tahrir au Caire pour célébrer la "révolution" mais aussi pour réclamer un nouveau gouvernement composé de technocrates, 15 jours après la démission sous la pression populaire du président Hosni Moubarak. "Le gouvernement de Chafic est inféodé au régime corrompu", proclamait une pancarte, tandis que des manifestants exigeaient le départ du premier ministre Ahmad Chafic. Le nouveau gouvernement remanié mercredi compte toujours quelques figures de l'ère Moubarak. Les manifestants réclament également la suppression des très redoutés services de sécurité d'Etat.

Ailleurs, d'autres groupes scandaient "A bas Kadhafi" en agitant des drapeaux libyens en signe de solidarité avec la Libye voisine. Suite à la démission, le 11 février, de l'ex-président Hosni Moubarak, le conseil suprême des forces armées a chargé le gouvernement de M. Chafic de gérer les affaires courantes en attendant des élections. Le nouveau gouvernement a assuré qu'il n'y "aurait pas de retour en arrière" tout en s'engageant à poursuivre la lutte contre la corruption.

* YÉMEN : Pro et anti-Saleh à Sanaa, un mort à Aden

Des dizaines de milliers de partisans et d'adversaires du président yéménite Ali Abdallah Saleh ont organisé des manifestations séparées dans la capitale Sanaa. Devant l'université, des manifestants scandaient "Le peuple exige la chute du régime", tandis qu'à l'autre bout de la ville, des partisans de Saleh criaient leur soutien à un président garant, selon eux, de l'unité d'un pays divisé. Des témoins rapportent qu'à Sanaa, les forces de l'ordre ont formé des cordons autour des groupes de manifestants rivaux afin d'éviter des affrontements.

Un jeune manifestant anti-Saleh, le 25 février à Sanaa.

Un jeune manifestant anti-Saleh, le 25 février à Sanaa.REUTERS/AMMAR AWAD

Dans un communiqué publié jeudi soir, le ministère de l'intérieur a ordonné aux forces de sécurité de "redoubler de vigilance et de prendre les mesures requises pour contrôler tout élément terroriste" qui pourrait profiter des manifestations afin de s'infiltrer à Sanaa. Saleh avait auparavant ordonné aux "services de sécurité d'accorder une entière protection aux manifestants" et de prévenir tout affrontement. L'agence Saba rapporte que le président yéménite a chargé une commission présidée par le Premier ministre Ali Mohamed Megawar de recueillir les doléances des manifestants et d'ouvrir un dialogue avec eux. Dix-sept personnes ont été tuées depuis le début, il y a neuf jours, de la vague de contestation.

Dans la ville portuaire d'Aden, un manifestant a été tué par la police lors de manifestations contre le régime, selon des sources hospitalières. Selon ces mêmes sources, Mohammed Ahmed Saleh, 17 ans, est mort à l'hôpital de la République, un établissement gouvernemental de la ville du sud du Yémen. Aden a été le théâtre de deux importantes marches et d'échauffourées avec la police qui ont fait 20 blessés, selon un nouveau bilan de sources médicales.

* IRAK : Meurtrière "Journée de la colère"

La "Journée de la colère" contre l'impéritie du gouvernement irakien et la concussion a tourné à la violence avec la mort par balles de quinze manifestants dans tout le pays lors d'affrontements avec les forces de sécurité. Selon la police et les hôpitaux, il y a eu cinq morts à Mossoul (nord), deux à Hawija, dans la riche province pétrolière de Kirkouk, cinq à Tikrit et deux à Samarra (centre), et un jeune de 15 ans à Calar, une localité kurde dans la province de Diyala. Cela porte à 19 manifestants et un policier le nombre des tués depuis le début de la contestation il y a trois semaines. En outre, 134 personnes, dont 21 policiers et soldats, ont été blessées dans une dizaine de villes et quatre bâtiments publics incendiés. Dans cinq villes, dont la capitale, l'interdiction de circuler était maintenu jusqu'à samedi.

Début de la manifestation pour la "Journée de la colère", le 25 février à Bagdad.

Début de la manifestation pour la "Journée de la colère", le 25 février à Bagdad.REUTERS/SAAD SHALASH

A Bagdad, quelque 5 000 manifestants s'étaient rassemblés sur la place Tahrir en présence d'un important déploiement militaire et policier. Un mouvement dénommé "la Révolution de la colère irakienne" a appelé via Facebook à manifester pour exiger "le changement, la liberté et une démocratie véritable". La majorité des organisateurs insistent sur leurs seules revendications de "réformes".

Jeudi, le premier ministre Nouri al-Maliki avait accusé les organisateurs de la manifestation d'être des partisans de l'ancien dictateur Saddam Hussein, des "terroristes", appelant "dans un souci de contrecarrer les plans des ennemis" à ne pas participer à cette manifestation. "Aucun de nous n'appartient à Al-Qaïda ni aux partisans de Saddam, nous sommes des citoyens irakiens ordinaires qui protestons contre l'absence de services publics, la corruption et nous voulons la réforme du système", a rétorqué l'une des organisatrices, Chourouq al-Abayachi.

Pour tenter de calmer la grogne, le gouvernement a récemment multiplié les gestes, augmentant notamment d'un milliard de dollars le montant alloué aux rations alimentaires distribuées à six millions de familles.

Une jeune manifestante, vendredi sur la place de la Perle à Manama.

Une jeune manifestante, vendredi sur la place de la Perle à Manama.REUTERS/HAMAD I MOHAMMED

* BAHREIN : Statu quo sur la place de la Perle

Des cortèges de manifestants ont envahi les rues de Manama, à l'appel de religieux chiites, et exigé de nouveau des réformes politiques dans le petit royaume de Bahreïn, au douzième jour d'une contestation qui ne faiblit pas. Cette forte mobilisation est intervenue alors que les Etats-Unis ont renouvelé leur soutien à la monarchie et au dialogue national proposé à l'opposition. Aucune estimation officielle de la mobilisation de vendredi, jour de prières, n'était disponible mais les voies conduisant à la place de la Perle, épicentre de la contestation, ont été bloquées par des dizaines de milliers de protestataires.

* ALGERIE : L'état d'urgence levé

Les autorités ont levé comme promis l'état d'urgence décrété il y a 19 ans, mais l'opposition reste déterminée à mener une nouvelle manifestation samedi pour un changement de régime. Le décret, daté du 23 février, a été publié en ligne au Journal Officiel de jeudi. Il lève une mesure instaurée pour lutter contre la guérilla islamiste. L'un des principaux dirigeants de l'opposition, Said Sadi, qui préside le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie a qualifié cette mesure de "manoeuvre": "Nous sommes déterminés à un changement de régime et toutes les semaines il y aura des marches".